Lucien Refleu
Né le 8 mars 1920, à Orbec (Calvados). Décédé
le 7 janvier 2005, à Caen (Calvados)
où il a été inhumé le 13 janvier 2005.
Se sachant atteint d'une tumeur au cerveau
capable d'emporter son esprit avant son corps,
Lucien Refleu
a fini par n'accepter des médecins que le traitement de sa douleur.
Refusant alors toute alimentation, il a tiré
sa révérence en quelques jours.
Adieu, Monsieur le professeur,
on ne vous oubliera jamais.
Lucien Raoul Achille Constant Refleu est le fils de
- Raoul Jules Refleu, né le 1er
décembre 1880, à Nonancourt (Eure).
Décédé le 20 octobre 1964, à Orbec (Calvados).
- Jeanne Renée Chevalier, née le 9 décembre 1890
à Orbec (Calvados).
Décédée le 3 octobre 1982, à Orbec (Calvados).
-
Mariés le 29 avril 1911,
à Orbec (Calvados). Deux enfants:
- Renée Refleu,
née en 1912 à Orbec (Calvados).
Décédée
le 21 septembre 2005 à Nice (Alpes-Maritimes). Célibataire, sans descendance.
- Lucien Refleu (1920-2005).
Raoul Refleu était un
entreprenenur
de peinture diplômé de l'école de trompe-l'œil créée
à Bruxelles en 1882 par Pierre Logelain
(67, rue du Conseil),
Celle-ci a fusionné en 1951 avec l'établissement du même type fondé en 1892 par
Alfred Van der Kelen, sous l'égide des fils des fondateurs:
Clément Van der Kelen et Alphonse Logelain.
Maintenant connue sous le nom de
Van der Kelen - Logelain (ou Institut supérieur de peinture de Bruxelles),
elle est là où Van der Kelen avait déménagé en 1902
(30 rue du Métal / Saint-Gilles, Bruxelles).
Y enseignent encore (2021) Denise et Sylvie Van der Kelen, veuve et fille de Clément.
Le 11 sept. 1948, à Sèvres (Hauts-de-Seine)
Lucien Refleu épouse Jeanne Rouanet,
née le 5 novembre 1924 à Saint-Gratien (Val-d'Oise) et décédée le 8 août 2022
à Colombes (92700). Le couple n'a pas eu d'enfants.
Juriste de formation, Jeanne Refleu termina sa carrière en 1985
comme bibliothécaire de l'Université de Caen
(elle avait obtenu son diplôme supérieur de bibliothécaire en
1962
et a été titularisée en 1963).
Bien avant que l'explosion d'Internet
ne vienne faciliter ce genre de recherches,
elle eut ainsi à exploiter, depuis Caen,
les banques de données d'outre-Atlantique concernant
brevets et articles scientifiques...
La loi du 9 août 1879 a imposé la création
d'écoles normales dans chaque département.
Le beau bâtiment ci-dessus fut construit entre 1883 et 1887 à Caen, au 168 rue Caponière.
Il a abrité l'école normale d'instituteurs du Calvados jusqu'en 1988,
date à laquelle il est devenu le siège du rectorat de l'académie de Caen.
Il a été hôpital militaire de 1914 à 1919.
Biographie de Lucien Refleu :
- Né le 8 mars 1920 à Orbec (Calvados).
- Elève-maître à l'école normale d'instituteurs du Calvados (à Caen).
- Premier à l'écrit du concours de
l'école
normale supérieure de Saint-Cloud.
- Reçu, second du classement spécial, au concours de l' agrégation de 1947.
- Epouse Jeanne Rouanet le 11 septembre 1948 à Sèvres.
- Fait Chevalier de la Légion d'Honneur le 20 avril 1973.
- Promu au grade d'Officier de la Légion d'Honneur le 22 février 1986.
- Commandeur des Palmes Académiques.
- Décédé le 7 janvier 2005, à Caen (Calvados).
Lucien Refleu va se préparer aux concours d'entrée aux Grandes Ecoles
à Montpellier (Hérault) avec Jean Barbotte
(1903-1997) qui sera Prof. de spé à Montpellier jusqu'à
sa retraite en 1968.
Entré premier à Ulm en 1922, Barbotte s'était classé second, derrière
André Weil, au concours de l'agrégation de 1925.
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Jean Barbotte |
Jean Barbotte est l'auteur de "Le calcul tensoriel" (Bordas, 1948).
A l'Ecole Normale de la rue d'Ulm, de 1922 à 1925,
il a partagé une chambre avec quatre autres élèves:
Paul Labérenne (1902-1985),
Yves Rocard (1903-1992),
Jean Delsarte (1903-1968)
et André Weil (1906-1998).
Ces deux derniers seront parmi les principaux fondateurs de Bourbaki (1935).
En août 1939, la France entre en guerre...
Au début de la guerre, le général de Gaulle avait pris la tête
de la division de chars de la cinquième armée.
Après la percée Allemande à Sedan, de Gaulle prend la tête de
la quatrième division mécanisée,
qui vient d'être formée.
Le 5 juin 1940, Paul Raynaud, premier ministre, nomme le Général de Gaulle
secrétaire d'état à la guerre...
En 1940, Lucien Refleu est classé premier à l'écrit du
concours d'entrée de l'Ecole Normale Supérieure de Saint-Cloud,
mais sa classe d'âge est mobilisée
(ce sera la dernière à l'être avant l'armistice).
Refleu doit donc rejoindre immédiatement
son régiment de chars à Vannes.
Il ne pourra pas se présenter à l'oral du Concours.
Dans la déroute qui précède l'arrivée des troupes Allemandes,
Lucien Refleu songe à simplement quitter sa caserne, comme d'autres le font...
Il s'en ouvre à
un officier supérieur, qui le décourage formellement de commettre ce qui
aurait pu être considéré comme un acte de désertion en temps
de guerre... Refleu sera donc fait prisonnier avec son régiment
et envoyé en captivité dans les îles de la Frise.
C'est en captivité que Refleu apprendra qu'un décret ministériel
l'a dispensé d'oral au vu de sa performance à l'écrit et qu'il est
donc officiellement admis à l'Ecole Normale Supérieure de Saint-Cloud!
Lucien Refleu contracte une pleurésie en captivité.
Un médecin militaire Prussien (dûment balafré)
prend son cas en sympathie et le fait rapatrier par train sanitaire.
Refleu passera ainsi à Orbec une convalescence studieuse en attendant de pouvoir
reprendre normalement ses études au sein de l'Ecole Normale Supérieure.
Il bénéficie d'une bourse d'enseignement supérieur
attribuée
pour faits de guerre.
Lucien Refleu fait une licence très brillante en Sorbonne.
Il est classé premier en calcul differentiel.
En mécanique céleste, il attire l'attention d'un autre normalien normand,
André Danjon
(1890-1967) ancien élève
de la Taupe Laplace de Caen en 1908-1910
et directeur de l'Observatoire de Paris de 1945 à 1963.
A cette épque, Elie Cartan (1869-1951)
avait volontairement repris ses cours d'entrainement à
l'agrégation, dont Refleu a ainsi bénéficié.
Son statut d'ancien prisonnier de guerre permet à Refleu de se présenter
à titre "spécial" au concours de
l' agrégration
de mathématiques en 1947
où 6 places sur 30 sont ainsi réservées à ceux dont les hostilités
ont perturbé la scolarité.
Telle est la tradition dans les années qui suivent les guerres
(depuis la création du concours
de l'agrégation en 1821). Il est reçu second de ce
"classement spécial" de 8 admis.
Il est alors sollicité par Danjon pour devenir son assistant à
l'Observatoire de Paris. Il est aussi approché par l'algébriste
Paul Dubreil
(1904-1994, nommé en Sorbonne en novembre 1946).
Dubreil voudrait le voir faire une thèse de doctorat sous la
direction de son épouse, Marie-Louise Dubreil-Jacotin,
à l'Université de Poitiers...
Marie-Louise
Dubreil-Jacotin (1905-1972) fut nommée professeur à
l'Université de Poitiers en octobre 1943.
A partir de 1955, elle y occupera la chaire de Calcul Différentiel
et Integral.
Elle a épousé, le 28 juin 1930, le normalien Paul Dubreil, qui participa
aux réunions préliminaires d'un groupe qui deviendra célèbre
en 1935, sous le nom collectif de Nicolas Bourbaki.
Marie-Louise et Paul eurent un seul enfant: Edith Dubreil (1936-1970).
Göttingen, 1931:
Emmy Noether, Marie-Louise Dubreil-Jacotin, Paul Dubreil
Refleu hésite beaucoup avant de décliner cette offre de carrière
dans la recherche, mais il se destine fermement à l'enseignement.
Cette année là, une seule classe
d' hypotaupe est disponible.
Elle revient au premier du classement, M. Pfeifer.
Dans les années 60, M. Pfeifer était connu
sous les surnoms de "le Pfeif" ou "le Bicou" par les élèves de la
Taupe Ampère du Lycée Thiers de Marseille, où il
enseignait la classe B de maths-spé.
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Laplace |
Après une année d'enseignement au Havre, dans le secondaire,
Lucien Refleu se voit confier pour l'année scolaire 1948-1949
la classe de Mathématiques
Supérieures de Caen, avec 17 élèves (masculins).
Refleu succéda ainsi à Robert Crenn
(nommé à Rennes)
un des 25 agrégés de mathématiques en 1937,
aux côtés de Laurent Schwartz
(1915-2002, créateur de la
Théorie des distributions
en 1944, médaille Fields en 1950) et de Michel Queysanne (auteur, en 1964,
d'un traité d'algèbre pour les classes préparatoires
et le premier cycle universitaire).
A Caen, les classes préparatoires scientifiques du
Lycée
Malherbe (fondé en 1804) portent le nom
de Taupe Laplace.
Lucien Refleu y passera 35 ans.
Il y a risque de confusion avec le
Lycée Laplace,
le grand lycée technique Caennais, de création plus récente.
La Taupe Laplace d'après-guerre ne comporte d'abord
qu'une seule classe de "Mathématiques Supérieures"
(hypotaupe, HX ou Maths-sup). Une petite moitié des
étudiants sont admis à faire ailleurs leur année de
Mathématiques Spéciales
(le plus souvent, au Lycée Saint-Louis de Paris).
Quelques uns "intègrent" des Ecoles qui recrutent sur le programme de première
année. Les autres vont à l'Université.
L'année scolaire 1962-1963 voit s'ouvrir à Caen une classe de
"Mathématiques Spéciales"
(taupe, X ou Maths-spé)
confiée à Lucien Refleu, qui retrouvera ainsi en taupe
des élèves qu'il avait commencé à former
en hypotaupe.
Etre professeur de mathématiques en "Maths Spé" est une
activité très prenante :
Il faut d'abord y assurer 15 heures de cours hebdomadaires,
au tableau noir.
En mathématiques, le professeur et ses élèves
écrivent tout le temps.
Au fil des années, ceci vaudra à Lucien Refleu une déformation de
l'épaule droite, bien connue de son tailleur
(compensée par une talonnette bien visible, au pied gauche).
Les taupins rendent chaque semaine
un devoir écrit en mathématiques.
Une semaine sur deux, en alternance avec la physique, c'est un
devoir sur table (examen)
qui a lieu pendant 4 heures, le samedi matin.
L'autre semaine, les élèves rendent des devoirs plus longs sur lequels
il ont planché pendant quinze jours.
Le professeur corrige et commente individuellement le travail de chaque étudiant.
Enfin, il y a les khôlles (orthographe volontairement
pédante de "colle", dans le sens de "question difficile"). C'est ainsi
qu'on appelle les deux examens oraux hebdomadaires d'une heure auxquels les
taupins sont soumis, par groupe de trois élèves
(une khôlle en mathématiques,
l'autre alternativement en physique ou en langues).
Pour bien connaître ses élèves, le professeur de mathématiques
se doit d'être un khôlleur parmi les autres.
Une bonne khôlle doit être très
soigneuseument préparée...
Brièvement, l'illustre mathématicien de
l'Université de Caen Roger Apéry (1916-1994)
sera un des khôlleur de la Taupe Laplace.
Apéry a donné son nom à la
constante
z(3), dont il prouva l'irrationalité en 1977.
Malgré tout ceci, Lucien Refleu trouvera, pendant un temps, l'énergie
de contribuer à la préparation au CAPES et à l'agrégation
des étudiants de l'Université de Caen...
C'est à l'issue de l'année scolaire 1982-1983 que Lucien Refleu prend
sa retraite.
Un de ses derniers élèves,
Jean-Louis Barrat (né en 1964)
est reçu premier à l'Ecole Normale de la rue d'Ulm, en 1983
(il se classe quatrième au concours d'entrée de l'Ecole Polytechnique).
C'est le fils de Jean-Pierre Barrat, professeur de physique
à la faculté des sciences de Caen et
ancien thésard
du célèbre laboratoire Kastler Brossel (LKB).
On peut estimer à environ 600 le nombre de futurs mathématiciens, physiciens
et ingénieurs auxquels Lucien Refleu aura contribué à donner
une formation mathématique de premier ordre, à raison de 15 heures
de cours par semaine, pendant 1 ou 2 ans.
Parmi ceux-ci, l'auteur de ces lignes
(23ème à l' Ecole
Polytechnique en 1976)
exprime ici sa reconnaissance envers Lucien Refleu,
en remerciant chaleureusement Madame Jeannette Refleu
d'avoir bien voulu partager les souvenirs et les documents qui ont permis
cet hommage électronique, malheureusement posthume, en octobre 2005.
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